Dans le monde des affaires, petites ou grandes, on peut observer une pratique à laquelle nombre d’entrepreneurs accordent une grande confiance, qui s’avère souvent excessive : les cessions de parts « en blanc ».
Maître Gérard DOUKHAN, Avocat d’affaires, spécialiste en droit commercial à Paris, vous en explique le mécanisme, et pourquoi, en sa qualité de praticien expérimenté de la rédaction d’actes il en déconseille l’usage, sauf absence d’une autre solution.
Ces cessions de parts « en blanc » sont fréquemment invoquées dans le cabinet d’Avocat lorsque survient un litige entre associés.
A l’origine de cette situation, il y a un investisseur qui crée, ou rachète, une société pour exploiter un fonds de commerce, société dans laquelle il ne veut pas apparaître nommément.
Cette volonté d’être invisible peut être motivée par différents cas de figure :
Exemples :
– l’intéressé est en pleine procédure de divorce, et il ne veut donc pas que son conjoint, auquel il affirme être en difficultés financières, sache qu’en réalité il a encore des moyens conséquents,
– il est poursuivi par des créanciers, privés ou publics (le fisc par exemple), et ne veut pas que sa nouvelle entreprise figure au rang de ses biens saisissables,
– il est salarié dans une entreprise, ou a engagé une procédure aux Prud’hommes, et la société qu’il est en train de créer sera concurrente de celle-ci. Il ne veut donc pas que son employeur en soit informé, etc …
Cet entrepreneur crée alors cette société, ou la rachète, sans y figurer au rang des associés, et y fait figurer à sa place une personne « de confiance », en fait un « associé de paille », lequel aura, à ce titre, des droits et obligations dans la société, mais, en réalité, sera téléguidé dans tous ses actes par son « sponsor ».
Ce « sponsor » se croit protégé contre un éventuel retournement de son « prête-nom » car il lui aura fait signer un acte de cession de ses parts, sans date, et sans mention de l’identité du cessionnaire.
D’où l’appellation « cession de parts en blanc ».
En cas de problème avec son prête-nom dans la société, le « sponsor » mettrait alors son nom sur ledit acte, et « l’associé de paille », dépossédé des parts à son nom, serait ainsi privé de tout pouvoir de nuisance.
Cependant, cette pratique dans la rédaction d’actes, loin d’être protectrice, peut se révéler catastrophique.
Précisons tout d’abord que, si la société prospère, le « sponsor » pourra difficilement en retirer un bénéfice autre qu’occulte. Avec tous les risques que cela comporte puisqu’il n’est pas officiellement associé !
Mais, pire, il perdra tout si son représentant, « l’associé de paille », en qui il a toute confiance, se retourne contre lui, et entend profiter de la situation.
Dans cette hypothèse, ce « prête-nom » cèdera lui-même « ses » parts à une tierce personne, puis fera enregistrer son acte.
Et il tiendra cette cession secrète pendant un certain temps.
Lorsque les relations entre les deux compères, « sponsor » et prête-nom seront devenues si tendues que le divorce s’imposera, au point que le « sponsor » voudra éjecter son représentant de la société, il montrera à celui-ci la cession de parts « en blanc », dans laquelle il aura mis son propre nom (ou celui d’un tiers) en qualité de cessionnaire ; devenant de fait associé en ses lieu et place.
C’est à ce moment-là que le prête-nom lui révélera l’existence de la cession de parts enregistrée depuis quelques temps déjà.
Nous serons donc en présence de deux actes de cessions de parts.
Lequel sera validé par les Tribunaux ?
La réponse est claire : ce sera l’acte qui aura été enregistré le premier.
En effet, la formalité de l’enregistrement confère « date certaine » à l’acte sur lequel elle figure, et ce quelle que soit la date de signature indiquée au bas de l’acte.
Ainsi, il n’est pas inimaginable que, malin, dès la constitution ou le rachat de la société, donc dès qu’il est devenu le titulaire officiel d’une partie du capital, ou quelque temps après, « l’associé de paille » procède à une cession de « ses » parts au bénéfice d’un ami, et s’empresse de la faire enregistrer.
La cession de parts « en blanc », complétée plus tard par le « véritable propriétaire » qui y aura mentionné son identité, et enregistrée également plus tard, n’aura strictement aucune valeur.
L’investisseur, qui se voulait malicieux, car invisible, aura en fait tout perdu…
Maître Gérard DOUKHAN, Avocat d’affaires, spécialiste en droit commercial à Paris avec mention spécifique « ventes de fonds de commerce », praticien expérimenté de la rédaction d’actes, est à votre disposition pour vous éclairer au 01.42.65.50.64, ou par email, et pour vous faire bénéficier également de ses conseils et de son assistance pour la rédaction ou l’analyse d’un bail commercial, ainsi que pour défendre énergiquement vos droits lors d’une procédure de divorce ou devant le Conseil de Prud’hommes.
Article mis en ligne en avril 2016.
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