Acheter un fonds de commerce est souvent le projet d’une vie.
C’est donc une opération importante qu’il faut absolument réussir.
Bien acheter un fonds de commerce, cela signifie deux choses :
Tout d’abord que l’acte d’acquisition sera sécurisé, et que le rédacteur de l’acte aura parfaitement éclairé l’acquéreur, non seulement sur les conséquences immédiates de sa signature mais également sur les conséquences prévisibles.
En deuxième lieu, bien acheter un fonds de commerce, c’est, comme on pourrait le dire simplement, faire une « bonne affaire », ou, à tout le moins, une affaire qui réponde au projet entrepreneurial.
Parvenir à satisfaire à ces deux impératifs ne s’improvise pas.
Maitre Gérard DOUKHAN, Avocat en droit des affaires, spécialiste en droit commercial à Paris, avec mention spécifique « ventes de fonds de commerce »,rédacteur de baux commerciaux depuis plus de trente ans, donne ici quelques conseils qu’il importe d’intégrer précisément si on veut éviter les désillusions dont beaucoup font les frais.
L’EMPLACEMENT
Lorsqu’on demande à un ancien quels sont les critères que doit remplir un fonds de commerce pour être rentable, il répond systématiquement qu’il y en a trois : le premier : l’emplacement, le deuxième : l’emplacement, le troisième : l’emplacement.
Belle leçon de pédagogie. Tout est dit en un mot.
La règle était vraie il y a trente ans. Elle l’est encore plus aujourd’hui. Il y a trente ans, on pouvait prendre un commerce dans une rue secondaire en espérant attirer les clients par des prix inférieurs à la concurrence, un service attentionné etc…
Force est de constater que tout cela est terminé : les prix les plus bas sont sur Internet. Et, en ce qui concerne le service, Internet vous livre ; et, si le produit ne vous convient pas, on vous le reprend sans frais !
Il est donc impératif de choisir sa boutique dans une rue ou artère passante, commerçante, ou dans un centre commercial dynamique (où les loyers sont bien plus chers qu’en ville).
D’autre part, il faut être attentif au montant du loyer, sans être immédiatement rebuté par un loyer qu’on considérerait élevé. En effet, il vaut mieux avoir un loyer élevé et un beau chiffre d’affaires, plutôt qu’un petit loyer et un chiffre d’affaires dérisoire. Le raisonnement semble simple, voire simpliste, mais on l’oublie souvent.
Pour être assuré de la justesse de son choix, il est nécessaire de se renseigner auprès des commerçants du coin.
Et, afin d’éviter toute mauvaise surprise, il est recommandé d’interroger les services de l’urbanisme quant à un éventuel projet de modification du site, par la démolition de l’immeuble, l’élargissement de la voie, la réduction du trottoir, la création d’un nouveau centre commercial à proximité etc…
LE BAIL
Le bail est l’acte juridique le plus important à faire contrôler par le professionnel du droit avant toute signature, même celle d’une simple promesse de vente.
Le bail commercial est une matière juridique complexe ; les conseils ci-après ne sont donc que partiels. Il faut ainsi vérifier :
– que les locaux correspondent exactement à la description qui en est faite à l’article « DESIGNATION »,
– quelles sont les activités autorisées, sachant que toute infraction peut entraîner la résiliation du bail,
– si l’activité exercée dans les lieux l’est depuis au moins trois années,
– les conditions relatives à la cession du droit au bail dans le cadre d’une cession de fonds de commerce, et notamment l’obligation éventuelle, et pénalisante, de demander l’autorisation préalable du bailleur,
– afin d’éviter un déplafonnement lors du renouvellement du bail, veiller à ce qu’il n’y ait pas eu de modification notoire des facteurs locaux de commercialité, de modification de la configuration des locaux, ou de modification de l’une des clauses du bail etc…
– que le vendeur du fonds est en règle avec le propriétaire des murs, n’a reçu aucun commandement ou autre acte préalable à quelques ennuis judiciaires.
LE BILAN
L’examen des trois derniers bilans permet de connaitre le chiffre d’affaires réalisé, et son évolution. S’il est en baisse sensible et que le vendeur vous dit qu’il se sépare de cette affaire parce-qu’il en ouvre une plus grande ailleurs, méfiance…
L’examen des bilans permet également de déterminer la rentabilité de l’établissement.
Celle-ci se mesure à partir de l’EBE.
L’Excédent Brut d’Exploitation est un solde intermédiaire de gestion qui représente le résultat de l’activité courante de l’entreprise. Il est différent du résultat d’exploitation en ce qu’il ne prend en compte ni la politique d’investissement de l’entreprise ni sa gestion financière.
Il est un indicateur clé grâce auquel on peut apprécier la rentabilité de l’activité évidente de l’entreprise. Pour être un peu plus précis, sans entrer complètement dans les détails, les praticiens s’attachent à calculer un EBE retraité. Celui-ci consiste notamment à déterminer la capacité d’une affaire à produire des bénéfices et à rembourser un crédit bancaire.
En général, les éléments ajoutés à l’EBE sont les réductions de charges envisageables lors du départ de l’exploitant, comme par exemple les salaires et charges des dirigeants.
Et, pour aboutir à l’EBE retraité, on retranchera de l’EBE les gains exceptionnels sur lesquels l’acquéreur du fonds de commerce ne pourra pas compter à l’avenir, tels que les recettes exceptionnelles comme les reprises sur amortissement, des subventions etc…
Enfin, la lecture du bilan permettra à votre avocat rédacteur d’actes de vous confirmer, ou pas, que le prix du fonds de commerce que vous voulez acquérir est conforme aux usages de la branche d’activité considérée, car chaque profession applique des critères d’évaluation qui lui sont propres ; ce peut être un pourcentage ou un multiple du chiffre d’affaires, ou un multiple de l’EBE retraité.
LA REPRISE DES SALARIÉS
La reprise du personnel attaché à l’établissement est un élément majeur de l’acquisition du fonds de commerce puisque celle-ci est obligatoire en vertu de l’article L1224-1 du Code du travail : « Lorsque survient une modification dans la situation juridique de l’employeur, notamment par succession, vente, fusion, transformation du fonds, mise en société de l’entreprise, tous les contrats de travail en cours au jour de la modification subsistent entre le nouvel employeur et le personnel de l’entreprise. »
Article L1224-2 du Code du travail : « Le nouvel employeur est tenu, à l’égard des salariés dont les contrats de travail subsistent, aux obligations qui incombaient à l’ancien employeur à la date de la modification, sauf dans les cas suivants :
1° Procédure de sauvegarde, de redressement ou de liquidation judiciaire ;
2° Substitution d’employeurs intervenue sans qu’il y ait eu de convention entre ceux-ci.
Le premier employeur rembourse les sommes acquittées par le nouvel employeur, dues à la date de la modification, sauf s’il a été tenu compte de la charge résultant de ces obligations dans la convention intervenue entre eux. »
Ainsi, il est primordial de connaître l’effectif de l’établissement, et ce dans les détails, à savoir notamment la date d’entrée, l’emploi occupé, le salaire, payé sur combien de mois etc… Il importe également d’interroger le cédant sur les éventuels salariés absents pour cause de congé maternité, congé parental ou maladie, ou qui risqueraient d’être réintégrés à la suite d’une procédure devant le Conseil de Prud’hommes.
Enfin, avant tout engagement, il apparait souhaitable de questionner le cédant sur l’intérêt manifesté par l’un ou l’autre de ses salariés pour acheter lui-même le fonds de commerce. En effet, tout chef d’entreprise est tenu d’informer ses salariés du projet de cession du fonds au moins deux mois avant sa réalisation.
Le salarié intéressé a la possibilité de se porter acquéreur par préférence à tout autre.
LE CONTROLE DU MATÉRIEL ET DES INSTALLATIONS
Outre les diagnostics exigés par la loi, tels que ceux sur l’amiante, les termites, ou les risques naturels, il importe de vérifier que le matériel sur place fonctionne bien et soit conforme aux normes de sécurité.
A cet égard, l’installation électrique fera l’objet d’une attention toute particulière. Il est nécessaire enfin de contrôler que l’exploitant a fait les travaux nécessaires pour rendre son établissement accessible aux handicapés, faute de quoi ces travaux peuvent coûter cher.
DERNIER CONSEIL
Vous l’aurez compris, lorsque vous avez fait le choix d’une affaire à reprendre, vous pouvez en apprécier personnellement certains des avantages et des inconvénients, sa commercialité, ses perspectives d’avenir ou les agencements que vous devrez modifier.Mais, pour ce qui est des écueils juridiques et comptables à éviter, il vous faut évidemment, dès le début, l’assistance d’un avocat, et que celui-ci soit particulièrement expérimenté en la matière.
Maître Gérard DOUKHAN, Avocat en droit des affaires, spécialiste en droit commercial à Paris, avec mention spécifique « ventes de fonds de commerce », rédacteur d’actes depuis plus de trente ans, vous conseille et vous assiste personnellement au mieux de vos intérêts.
01 42 65 50 64
Article mis en ligne en juillet 2018.
Cet article, de vulgarisation du droit, est régulièrement actualisé, autant que possible. Cela étant, eu égard aux modifications fréquentes de la législation en vigueur, nous ne pouvons pas garantir sa validité dans le temps. Nous vous invitons donc à nous consulter pour toute question juridique ou problème concernant le thème évoqué au 01 42 65 50 64. En conséquence, le Cabinet ne pourra être tenu pour responsable de l’inexactitude et de l’obsolescence des conseils et articles du site.
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