Une terrasse de café, ou de restaurant, c’est généralement très apprécié des consommateurs, et donc rentable.
Surtout depuis l’interdiction de fumer dans un lieu clos.
Et encore plus depuis l’apparition de cette fichue épidémie.
Une terrasse de café, ça a donc l’avantage de brasser de l’air (très utile par les temps qui courent…), lequel fait sonner le tiroir-caisse.
Mais pas seulement.
Car peut retentir aussi dans l’esprit du bailleur le son du déplafonnement du loyer.
Le rêve du bailleur. Le cauchemar du preneur. Notamment lorsque celui-ci a acquis son fonds de commerce au prix fort, considérant que la modicité du loyer contrebalancerait cet investissement.
Cela étant, comme chacun sait, aux termes des articles L.145-33, L.145-34 et R.145-6 du Code de commerce, en France (ce n’est pas le cas dans tous les pays), le commerçant est protégé.
Lors du renouvellement du bail, le loyer est plafonné, c’est-à-dire que sa hausse ne peut être supérieure à celle de l’Indice des Loyers Commerciaux.
Ça, c’est la règle de base.
Mais, il y a des exceptions.
Deux d’entre elles nous intéressent ici.
La « modification notable » des caractéristiques du local loué au cours du bail expiré est une cause de déplafonnement. Par exemple, une transformation de la distribution des locaux, telle que le déplacement de la cuisine, ou la suppression d’une cloison.
La « modification notable » des facteurs locaux de commercialité au cours du bail expiré est également une cause de déplafonnement. Par exemple, la construction en face de l’établissement d’une tour de bureaux comprenant 3 000 salariés (la chance !).
Quel serait l’effet sur le loyer de la création ou de l’extension d’une terrasse ?
Pendant longtemps les bailleurs ont tenté de convaincre leurs Juges, puis la Cour de cassation, que la création d’une terrasse, ou son extension, sur le domaine public, obtenue après accord de l’autorité administrative, constitue un avantage considérable pour le cafetier ou le restaurateur, notamment par l’afflux de consommateurs que cela génère et par la modicité de la redevance à verser à la ville. Que cela constituerait une modification notable des caractéristiques du local loué, justifiant ainsi un déplafonnement du loyer lors du renouvellement du bail. Mais, la Cour de cassation a toujours rejeté cette argumentation (qui avait pourtant une certaine cohérence) au motif que, la terrasse située sur le domaine public, ne faisait pas partie des locaux loués, et n’entrait donc pas dans le cadre d’une modification notable des « caractéristiques du local loué ».
Récemment, un avocat a eu l’idée de plaider que l’extension d’une terrasse constituait une « modification notable des facteurs locaux de commercialité ».
Le Tribunal, puis la Cour d’appel, ont fait échec à ce raisonnement. Cependant, par un arrêt en date du 13 octobre 2021 (Civ3 – n°20-12901), la Cour de cassation a considéré, implicitement, que la Cour d’appel avait manqué à sa mission en ne recherchant pas si « l’autorisation municipale accordée, en permettant d’étendre l’exploitation d’une terrasse sur le domaine public, contribue au développement de l’activité commerciale » et « …. si cette situation modifiait les facteurs locaux de commercialité et constituait par là-même un motif de déplafonnement… ».
En d’autres termes, la Cour de cassation considère que la création ou l’extension d’une terrasse peut constituer une modification notable des facteurs locaux de commercialité. D’un strict point de vue juridique, cette décision est étonnante, car les « facteurs locaux de commercialité » se sont toujours entendus comme l’environnement d’un commerce, lequel est totalement indépendant de la volonté ou des actions du commerçant.
Si une tour de bureaux s’est construite, ce n’est pas lui qui en est à l’initiative ; si un hypermarché s’installe à proximité, il n y est pas non plus partie prenante. Ainsi, dans le présent cas d’espèce, la Cour de cassation a considéré qu’en sollicitant une autorisation d’installation, ou d’extension, d’une terrasse, et en obtenant celle-ci, le preneur a lui-même modifié les « facteurs locaux de commercialité ». Or, si on s’en tient à la lettre du texte, on pourrait penser qu’il n y a eu modification que d’un seul facteur local de commercialité. À l’évidence, cette décision constitue donc une construction juridique quelque peu disruptive.
Serait-elle le signe annonciateur d’une inversion de la règle de base, laquelle serait désormais la fixation du loyer à sa véritable valeur locative lors du renouvellement et non pas le plafonnement ?
On ne peut pas encore l’affirmer.
Maître Gérard DOUKHAN,
Avocat à la Cour
Spécialiste en droit commercial
Spécialiste en ventes de fonds de commerce
01.42.65.50.64
Article mis en ligne en Avril 2022.
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