I LE CONTEXTE
Le déplafonnement du loyer du bail commercial lors de son renouvellement est légitimement redouté par les commerçants. Fort heureusement, le déplafonnement, qui consiste, le plus souvent (car le déplafonnement en baisse existe aussi) à augmenter le loyer davantage que ce qui est permis par l’application de l’Indice des Loyers Commerciaux, est l’exception.
En général, l’augmentation du loyer est encadrée en vertu de l’article l145-34 du Code de commerce qui dispose :
« à moins d’une modification notable des éléments mentionnés aux 1° à 4° de l’article l.145-33, le taux de variation du loyer applicable lors de la prise d’effet du bail à renouveler, si sa durée n’est pas supérieure à neuf ans, ne peut excéder la variation, intervenue depuis la fixation initiale du loyer du bail expiré, de l’indice trimestriel des loyers commerciaux… ».
Cette règle du plafonnement du loyer du bail commercial a été instituée afin d’assurer aux commerçants une certaine stabilité, une visibilité à long terme de l’évolution d’une part importante des charges de leur entreprise, le loyer. Ce qui a pour effet de les encourager à investir, à embellir leurs locaux, à les aménager au mieux, voire à embaucher. Cette règle du plafonnement, très favorable aux commerçants, n’existe pas dans tous les pays.
Les bailleurs quant à eux doivent s’en accommoder, mais essaient bien souvent de récupérer quelques avantages lors de la rédaction du bail. Les professionnels des baux commerciaux disent que la loi est faite pour le locataire, le bail pour le propriétaire. D’où l’intérêt d’être assisté lors de la négociation de celui-ci par un avocat bail commercial. Ceci étant précisé, le déplafonnement du loyer, qui est donc l’exception, est néanmoins autorisé dans certains cas bien définis.
II LES MOTIFS DE DÉPLAFONNEMENT DU LOYER LORS DU RENOUVELLEMENT DU BAIL
Ces motifs sont (principalement) au nombre de deux.
1 – LA DURÉE DU BAIL EXPIRÉ
A – la plupart des baux commerciaux sont conclus pour une durée de neuf années, soit trois périodes triennales.
Lorsqu’à l’issue des neuf ans aucune des parties n’est intervenue, pour demander le renouvellement du bail ou donner congé, celui-ci se prolonge tacitement. Or, si celui-ci se prolonge pour atteindre une durée totale supérieure à douze années, et que les parties décident à un moment ou un autre de finalement conclure un nouveau bail, le loyer peut être déplafonné, c’est-à-dire fixé à sa véritable valeur locative et ne plus être encadré par l’évolution de l’indice des loyers commerciaux.
B – Lorsque les parties ont conclu un bail dont la durée est supérieure à neuf ans, la règle est simple, : aux termes de l’article l145-34 du code de commerce le taux de variation du loyer ne peut excéder la variation de l’Indice des Loyers Commerciaux si la durée stipulée contractuellement n’est pas supérieure à neuf ans.
Et donc inversement, si cette durée est supérieure à neuf ans, on se retrouve hors ILC. Et là, nous avons affaire au cas typique, fréquent, du néophyte qui croit que son bailleur veut lui faire une faveur en lui consentant un bail « bien plus long que la normale », soit dix, onze ou douze ans.
En vérité, par cette manœuvre, il se réserve le droit de déplafonner le loyer lors du renouvellement ! Dès lors, une consultation chez un avocat spécialiste en droit commercial avant toute signature peut rapporter gros…
2 – LA MODIFICATION NOTABLE DES COMPOSANTES DE LA VALEUR LOCATIVE
Ces composantes sont mentionnées à l’article l145-33 du Code de commerce. Nous traiterons en priorité les cas les plus fréquents.
A – Les facteurs locaux de commercialité
Il s’agit de l’environnement immédiat du commerce considéré.
Une modification « notable », et non pas mineure des « facteurs locaux de commercialité », justifie le déplafonnement du loyer.
Qu’entend-on par cela ?
Les cas sont simples, et se retrouvent souvent dans les rapports d’expertise judiciaire.
Exemples :
Deux ou trois enseignes nationales de commerce, chaines, franchises, viennent s’installer dans une rue. A l‘évidence elles vont attirer du monde qui n’y serait pas venu auparavant.
C’est une véritable embellie pour les autres commerces.
Un immeuble comportant une quarantaine de logements, donc environ 120 ou 150 habitants, est détruit, et remplacé par une tour de bureaux abritant 1 000 salariés.
A l’évidence, ceux-ci vont s’habiller, se coiffer, et se nourrir en bas de leur lieu de travail.
Dans un quartier paisible, on crée une nouvelle station de métro.
Alors que 2 000 ou 3000 personnes passaient chaque jour dans cette rue, d’un coup elles se retrouvent être 30 000 ou 40 000.
A l’évidence, ce sont de futurs clients pour les commerces alentours.
B – La modification de la destination des lieux
Souvent, en cours de bail, le preneur demande à son bailleur de l’autoriser à changer d’activité car celle qu’il exerce ne fonctionne pas très bien. L’accord du bailleur donne le droit à celui-ci de déplafonner le loyer lors du renouvellement du bail….
C – La modification de caractères essentiels du local
C’est souvent une histoire de cloisons.
Lorsque le bailleur autorise son locataire à abattre une cloison, par exemple, il s’agit d’une modification notable des caractéristiques du local, entrainant de ce fait un déplafonnement du loyer lors du renouvellement.
D – La modification des obligations contractuelles des parties
Une telle modification en cours de bail peut être considérée comme une faveur par le preneur, mais, en fait, ouvre droit au déplafonnement.
Cela étant, l’ensemble de ces motifs de déplafonnement ne peut être mis en œuvre que si ceux-ci ont une « incidence favorable sur l’activité du locataire ».
La jurisprudence à cet égard a opéré un petit revirement. En faveur du locataire. Auparavant, quelle que soit la modification notable, elle entrainait le déplafonnement. Aujourd’hui, il faut que cette modification notable de l’une des caractéristiques visées ci-dessus ait une « incidence favorable sur l’activité du preneur ». En revanche, si le preneur n’a pas su profiter d’un afflux massif d’une nouvelle clientèle potentielle, du à la création d’une station de métro ou à l’installation d’une tour de bureaux, il subira néanmoins un déplafonnement, c’est-à-dire une fixation de son loyer à la véritable valeur locative, car selon l’adage bien connu « le bailleur n’est pas l’associé du preneur ».
III LE DÉPAFLONNEMENT DU LOYER LORS DE LA RÉVISION TRIENNALE
Il n’est pas toujours nécessaire d’attendre l’expiration du bail.
1 – LA MODIFICATION DES FACTEURS LOCAUX DE COMMERCIALITÉ
Le loyer peut être déplafonné à l’occasion de la révision triennale si, et seulement si, une modification des facteurs locaux de commercialité a entrainé une variation de plus de 10 % de la valeur locative.
2 – LE DÉPLAFONNEMENT POUR CAUSE DE DÉSPÉCIALISATION PARTIELLE
Le bailleur peut choisir de calculer le loyer révisé à l’issue d’une période triennale selon sa véritable valeur locative si le preneur a bénéficié d’une déspécialisation partielle d’activité autorisée, en d’autres termes d’une modification de celle-ci.
Maitre Gérard DOUKHAN, Avocat à la Cour, spécialiste certifié en droit commercial à Paris, Avocat bail commercial, plaidant depuis plus de trente ans, vous conseille et vous assiste, actes juridiques et procès, dans les meilleures conditions.
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Article mis en ligne en février 2025
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