Nous, avocats, avons longtemps été interrogés par les clients, sur le droit de préemption du locataire commerçant, ou du locataire artisan, au moment de la vente des murs par le propriétaire. Et à chaque fois que nous expliquions qu’il n’y avait pas dans le bail commercial de droit de préférence au profit du preneur, comme c’est le cas en matière civile, la déception était grande.
La (fameuse) loi Pinel du 18 juin 2014 a réparé cette omission en créant un article L 145-46-1 dans le Code de commerce.
I –LE DROIT DE PRÉEMPTION DU BAIL COMMERCIAL : DESCRIPTION
Aux termes de l’article L-145-46-1 du Code de commerce, lorsqu’un propriétaire de local commercial, ou à usage artisanal, décide de vendre celui-ci, le locataire bénéficie désormais d’un droit de préemption légal par rapport aux autres candidats acquéreurs.
Et ce droit est d’ordre public.
Cela signifie que toute clause d’un bail commercial qui acterait la renonciation du preneur à en bénéficier serait nulle. Et, même pire, en vérité, elle serait dite « réputée non écrite », c’est-à-dire qu’elle pourrait être supprimée par un Tribunal à n’importe quel moment, donc non soumise à prescription. (5 ans, 10 ans, ou autre).
Le droit de préemption du locataire commercial doit toutefois être nuancé, car il n’est pas absolu.
Ainsi, certaines ventes de locaux commerciaux ou artisanaux, ou certains modes de vente, sont légalement exclus de ce droit de préférence :
– la vente unique de plusieurs locaux d’un ensemble commercial
– la vente unique de locaux commerciaux distincts
– la vente d’un local commercial au copropriétaire d’un ensemble commercial
– la vente globale d’un immeuble comprenant des locaux commerciaux
– la vente d’un local à l’époux ou l’épouse du bailleur, à un ascendant ou à un descendant du bailleur ou de son époux ou épouse.
Les exceptions à ce nouveau droit de préemption sont donc non négligeables.
Il importe de préciser également que la notion de local commercial s’apprécie strictement.
En effet, le droit de préemption ne trouve pas application relativement aux bureaux, aux entrepôts, ou aux parkings.
Et la Mairie ?
Le droit de préférence du locataire peut se trouver contrarié par la mairie qui peut se substituer à tout acquéreur d’un bien immobilier en vue de procéder à une opération de transformation, construction, ou autre, dans l’intérêt de la commune.
Une jurisprudence intéressante.
Cela étant, cette création d’un droit de préemption en faveur du locataire, bien que récente, vient déjà de faire l’objet de plusieurs décisions de justice.
Et l’une d’entre elles est tout à fait intéressante.
Pas de commission à payer à l’intermédiaire.
En effet, dans un arrêt rendu le 28 juin 2018, la troisième chambre civile de la Cour de cassation (n° 17-14605) a considéré que le locataire commercial qui exerçait son droit de préemption n’avait pas à payer d’honoraires de négociation ou de commission d’agence.
Ce qui constitue un avantage financier important.
Il s’agit d’une mauvaise nouvelle pour les intermédiaires, puisque, lorsque le locataire achète les murs dans lesquels il exerce son activité, l’agent immobilier perd sa commission dans tous les cas de figures : le locataire ne la lui doit pas, et l’acquéreur tiers, qui était intéressé par le local, ne va évidemment pas payer une quelconque commission pour une opération qui a échoué…
II – FORMES ET DELAIS A RESPECTER
Lorsque le propriétaire décide de vendre, il doit en informer le locataire par lettre recommandée AR ou remise en mains propres, en précisant le prix et les conditions de la vente. Cela vaut offre de vente au profit du locataire.
Celui-ci doit faire connaître sa réponse dans le délai d’un mois.
À compter de la date d’envoi de sa réponse, il dispose d’un délai de deux mois pour réaliser la vente ; mais ce délai est porté à quatre mois lorsque le locataire recourt à un prêt. Si les délais ne sont pas respectés, le propriétaire retrouve son droit de disposer de son bien comme il l’entend.
Évidemment, s’il apparaît que, finalement, le bien était vendu à des conditions plus avantageuses que celles qui lui étaient proposées, le locataire bénéficie du droit de remettre en cause cette vente.
Maître Gérard DOUKHAN, Avocat spécialiste en droit commercial à Paris, avec mention spécifique « ventes de fonds de commerce », rédacteur de baux commerciaux et d’actes de vente depuis plus de trente ans, vous conseille, vous assiste, et plaide au mieux de vos intérêts.
Article mis en ligne en mai 2021.
Cet article, de vulgarisation du droit, est régulièrement actualisé, autant que possible. Cela étant, eu égard aux modifications fréquentes de la législation en vigueur, nous ne pouvons pas garantir sa validité dans le temps. Nous vous invitons donc à nous consulter pour toute question juridique ou problème concernant le thème évoqué au 01 42 65 50 64. En conséquence, le Cabinet ne pourra être tenu pour responsable de l’inexactitude et de l’obsolescence des conseils et articles du site.
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