La question de la répartition des travaux entre propriétaire et locataire dans le bail commercial est devenue très importante. En effet, la législation récente a considérablement accru les obligations financières du bailleur en la matière. La possibilité d’aménager librement les clauses du bail commercial a été réduite au strict minimum, le législateur considérant qu’il importait de rééquilibrer le rapport de forces entre bailleur et preneur.
Et la Cour de cassation se montre particulièrement sévère à l’égard des bailleurs (un exemple récent : arrêt de la 3èmechambre – 11 octobre 2018 – n°1718553).
Il est donc de la plus haute importance de soigner la rédaction du bail commercial lorsqu’on est propriétaire. Ou de le lire attentivement lorsqu’on est preneur. Afin d’être aussi clair que possible, nous classerons d’abord les travaux par catégories, puis envisagerons le cas du bail ne comportant aucune précision sur la répartition de leur coût, et l’aménagement possible de la répartition des travaux dans le bail commercial.
I LES CATÉGORIES DE TRAVAUX
- Les grosses réparations, définies par l’article 606 du Code Civil comme étant celles des gros murs et des voutes, du rétablissement des poutres et des couvertures, des digues et des murs de soutènement
- Les travaux de gros entretien, à savoir ceux destinés à maintenir les locaux en état d’utilisation conforme à l’usage auxquels ils ont été affectés.
- Les travaux d’entretien et de réparations courantes
- Les travaux de mise aux normes, imposés par la réglementation ou par une injonction de l’Administration
II LA RÉPARTITION DES TRAVAUX EN L’ABSENCE DE CLAUSES SPECIFIQUES
C’est donc, dans ce cas, le régime légal qui s’applique.
1°- LES GROSSES RÉPARATIONS ET LES TRAVAUX DE GROS ENTRETIEN
En l’absence de clause spécifique (mais on verra ci-après que, même en présence de telles clauses, les obligations du bailleur sont importantes), le propriétaire doit prendre à sa charge ces grosses réparations ainsi que les travaux d’entretien, outre les travaux d’embellissement dont le coût excèderait celui d’un remplacement à l’identique, ainsi que les travaux nécessaires en raison de la vétusté ou dans un cas de force majeure.
2°-LES TRAVAUX D’ENTRETIEN ET CEUX DE RÉPARATIONS MINEURES
Ils sont à la charge du preneur.
3°- LES TRAVAUX DE MISE AUX NORMES
En l’absence de clause spécifique, le bailleur à l’obligation légale de fournir un local en conformité avec la destination (l’activité) stipulée au bail. C’est donc lui qui a la charge des travaux de mise aux normes et de ceux exigés par l’Administration.
III LA RÉPARTITION CONTRACTUELLE DES TRAVAUX DANS LE BAIL COMMERCIAL
Très peu de baux commerciaux se signent désormais sur des formulaires pré-rédigés, dont il ne resterait plus à remplir que quelques blancs. La quasi-totalité des baux commerciaux fait l’objet désormais d’une rédaction soignée par un professionnel, en général un avocat spécialiste en droit commercial. Dans la plupart des cas, le bailleur en tant transférer au locataire une partie des travaux qui, normalement, lui incomberaient aux termes de la loi.
1°- EN CE QUI CONCERNE LES GROSSES REPARATIONS
Les baux conclus ou renouvelés depuis le 5 novembre 2014
La liberté du bailleur a été réduite.
Les travaux ci-après ne peuvent plus être imputés au preneur :
- les grosses réparations visées par l’article 606 du Code Civil,
- les travaux nécessaires en raison de la vétusté,
- à noter, cela étant, que l’énumération stipulée à l’article 606 du Code Civil peut-être complétée par le Juge lorsque des travaux de réparation qui n’y sont pas mentionnés sont d’une telle ampleur, de par leur coût notamment, qu’ils ne peuvent être considérés comme des travaux d’entretien.
Les baux conclus ou renouvelés avant le 5 novembre 2014
En ce qui concerne ces baux commerciaux, il peut y être stipulé que le preneur devra supporter toutes les réparations. Mais, pour qu’une telle clause soit valide, elle doit être précise, et détailler chaque élément pouvant être concerné par une grosse réparation. À noter cependant que la jurisprudence avait depuis toujours considéré, en ce qui concerne la toiture d’un immeuble par exemple, que, lorsque sa réparation devait être intégrale, le coût de celle-ci était toujours à la charge du bailleur.
2°- LES TRAVAUX D’ENTRETIEN ET DE RÉPARATION
Le bail commercial peut stipuler que tous les travaux d’entretien et de gros entretien doivent être pris en charge par un locataire.
3°- LA MISE AUX NORMES DU LOCAL
Il importe tout d’abord de rappeler que les travaux de mise aux normes, ou de mise en conformité, qui pourraient être qualifiés de grosses réparations au regard de l’article 606 du Code Civil, ne peuvent pas être mis à la charge du preneur. Cela étant, le bail commercial peut mettre à la charge du locataire les travaux de mise aux normes et ceux qui seraient prescrits par l’Administration.
Mais, afin d’être valide, cette clause doit être rédigée avec précision, et on peut même dire avec une extrême précision, puisque la jurisprudence est particulièrement stricte en la matière. Ainsi, dans un arrêt récent de la Cour de cassation (3èmechambre – 11 octobre 2018 – n°1718553), les juges ont été particulièrement sévères. Il s’agit du cas d’un local qui a été livré à une entreprise sans raccordement aux réseaux électriques et aux eaux usées.
Le bailleur, fort (croyait-il) de la rédaction du bail qui stipule que le locataire prend les locaux en l’état et fait son affaire personnelle des démarches et installations nécessaires à l’exercice de son activité, sans pouvoir exiger de travaux du bailleur, a refusé de rembourser à celui-ci les travaux de raccordement.
Le locataire a saisi la justice et a obtenu gain de cause.
La Cour de cassation rappelle ainsi que le bailleur doit assurer à son locataire de prendre possession d’un local en état de servir à l’usage stipulé à la clause destination. Elle ajoute cependant qu’une stipulation plus précise du bail, qui aurait mis explicitement à la charge du locataire le coût des raccordements aux eaux usées et aux réseaux électriques, aurait permis d’en décharger le bailleur. En d’autres termes, même une clause stipulant que le preneur gardera à sa charge le coût des travaux nécessaires à la mise aux normes du local n’exonèrera pas le bailleur de supporter le coût de ceux-ci.
Il nous faut donc en déduire que, désormais, le bailleur devra viser en détail la totalité des travaux de mise aux normes dont il souhaite être déchargé du coût. Et être très précis sur leur identification.
Cela ne sera pas toujours aisé.
Le bailleur devra-t-il donc se faire assister, à cette fin, d’un technicien, architecte, ingénieur, ou autre professionnel ? En tout état de cause, bailleur ou preneur, l’assistance d’un avocat est à l’évidence indispensable lors de la signature d’un contrat de bail commercial.
Maître Gérard DOUKHAN,Avocat en droit des affaires, spécialiste en droit commercial à Paris, avec mention spécifique « ventes de fonds de commerce », rédacteur de baux commerciaux et d’actes de vente depuis plus de trente ans, vous conseille, vous assiste, et plaide au mieux de vos intérêts.
01 42 65 50 64
Article mis en ligne en janvier 2019.
Cet article, de vulgarisation du droit, est régulièrement actualisé, autant que possible. Cela étant, eu égard aux modifications fréquentes de la législation en vigueur, nous ne pouvons pas garantir sa validité dans le temps. Nous vous invitons donc à nous consulter pour toute question juridique ou problème concernant le thème évoqué au 01 42 65 50 64. En conséquence, le Cabinet ne pourra être tenu pour responsable de l’inexactitude et de l’obsolescence des conseils et articles du site.
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