LA GARANTIE DE PASSIF C’EST QUOI ?
Lorsqu’on achète un fonds de commerce, on sait exactement ce dont on prend possession, et c’est limité : le bail, l’enseigne, le matériel, les stocks; et on reprend le personnel (obligatoire), ainsi que certains contrats de fournitures (facultatif).
Lorsqu’on acquiert tout ou partie d’une société, par le biais d’une cession de parts ou d’actions, on prend tout : l’actif, à savoir les mêmes éléments que ci-dessus, en y ajoutant les créances, les comptes en banque, les brevets, etc…
Mais aussi le passif, à savoir les dettes de la société.
Et lorsque le choix doit s’opérer entre acquisition du fonds de commerce et acquisition de la société, on est très tenté par cette dernière formule car elle est souvent bien moins chère.
En tout cas, au premier abord.
Car on peut être trompé par le vendeur.
Dans le calcul du prix de vente, il peut, par exemple, surévaluer les actifs.
Il peut aussi, et c’est le cas le plus fréquent, sous-évaluer le passif que devra supporter la société, et même occulter certaines dettes de celle-ci.
Pour l’acquéreur, la meilleure solution pour se prémunir contre ce type de problème, est de faire procéder, avant signature de l’acte de cession, à un audit comptable, juridique, et fiscal de la société.
Mais, ce n’est pas toujours possible, car cela coûte cher.
Les praticiens des cessions de sociétés ont donc créé ce qu’on appelle communément une garantie d’actif et de passif.
Cet acte, inclus dans l’acte de cession, ou régularisé par acte séparé, prévoit une indemnisation de l’acquéreur au cas où, postérieurement à la vente, se révélerait une dette imprévue ayant son origine dans la période antérieure à la vente, et/ou une indémnisation dans l’hypothèse où un actif, par exemple les stocks, verrait sa valeur réelle bien inférieure à celle figurant dans les actes signés.
EXEMPLES PRATIQUES :
En général, le cas le plus redouté par les parties est celui d’un contrôle fiscal, portant sur la période antérieure à l’acquisition, qui se solderait par un redressement significatif.
Dans cette hypothèse, le montant du redressement qui serait notifié à la société constituerait une dette imprévue de la société.
Le vendeur devrait donc prendre en charge le coût de ce redressement fiscal.
À noter qu’à cet égard on inclut souvent dans les garanties de passif une clause selon laquelle le cédant devra être avisé immédiatement par l’acquéreur du déclenchement du contrôle fiscal, et devra être associé à la défense mise en place par le nouveau dirigeant de la société.
Ce qui semble logique, puisque le cédant sera le mieux à-même de répondre aux griefs de l’administration concernant la période de sa gestion, et est particulièrement concerné par le fait d’être exonéré de toute sanction, ou que celle-ci soit la plus réduite possible.
Autre exemple, après visite dans les entrepots, un marchand de chaussures s’aperçoit que la moitié du stock qui lui a été cédé avait subi un dégât des eaux et se retrouve invendable.
Il actionne donc la garantie de passif, ou plus précisément la garantie d’actif, afin de se voir indemniser de la différence entre la valeur du stock porté à l’acte de cession et sa valeur réelle au jour de celle-ci.
À noter que, dans une affaire récente (chambre commerciale de la Cour de cassation. 14 octobre 2020. n°18-17949), le cédant avait considéré avoir été sincère dans la transmission des éléments comptables, et avait imputé l’erreur d’évaluation à son expert-comptable.
Il demandait donc que ce dernier soit condamné personnellement à indemniser l’acquéreur de la société.
Et, vérification effectuée, l’erreur de l’expert-comptable était avérée.
Cependant, la Cour de cassation a considéré que l’expert-comptable ne pouvait être condamné à indemniser lui-même l’acquéreur, car, s’il n’avait pas commis d’erreur dans l’évaluation de l’actif et du passif de la société, celle-ci se serait alors vendue pour un prix bien inférieur.
Et, ainsi, le cédant n’aurait pas encaissé le prix dont il se retrouve obligé de rembourser une partie aujourd’hui.
Ce raisonnement a le mérite de la logique.
En revanche, le vendeur, qui a fait confiance à son expert-comptable, peut, évidement, demander à celui-ci réparation du préjudicie induit par la mise en œuvre de la garantie de passif.
En effet, il a fallu faire expertiser les comptes, et supporter le coût d’une procédure judiciaire…
LES DIFFÉRENTES MODALITÉS DE LA GARANTIE DE PASSIF
Afin d’être efficace, ne pas décourager les candidats, et ne pas constituer un obstacle rédhibitoire à la cession d’entreprise, la garantie de passif doit être limitée dans le temps et dans sa portée.
Le cédant et le cessionnaire trouveront, chacun en ce qui le concerne, un intérêt, par exemple, à ce que soit fixée une limite de la garantie à hauteur d’un certain pourcentage du prix de vente.
On peut prévoir aussi une espèce de franchise, c’est-à-dire une somme qui serait laissée à la charge du repreneur en tout état de cause, afin d’éviter des tracas pour des sommes dérisoires.
Il est commun également de stipuler que la garantie ne pourra être mise en jeu qu’à partir d’un certain montant.
En revanche, dans le domaine fiscal, il est quasi systématique d’organiser un mode de fonctionnement spécifique de la garantie de passif.
Ainsi, celle-ci est, la plupart du temps, limitée à trois années (délai maximum en principe pour déclencher un contrôle fiscal), voire cinq années dans certains cas, et de prévoir, d’une part, qu’une partie du prix de cession ne sera pas remise au vendeur et restera bloquée à cet effet entre les mains d’un séquestre, d’autre part, qu’à défaut de contrôle, ledit séquestre libérera chaque année au profit du cédant une part de cette somme proportionnelle à la durée écoulée.
Ainsi, pour une garantie de passif fiscal de 100 000 €, limitée à trois années, lorsque l’une de celles-ci se sera écoulée (au premier janvier en général) sans incident, le séquestre libérera un tiers de la somme.
Vous l’aurez compris, la signature d’un acte de garantie de passif et d’actif lors de la transmission de tout ou partie du capital d’une société est fondamentale.
Maître Gérard DOUKHAN, Avocat spécialiste en droit commercial à Paris, rédacteur d’actes
Avocat plaidant devant les Tribunaux et les Cours d’appel.
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Article mis en ligne en janvier 2021
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