1°- L’urgence
Lorsque le loyer d’un bail commercial est impayé, le bailleur doit impérativement engager le procès en urgence afin de faire constater par le Tribunal l’acquisition (la mise en œuvre) de la clause résolutoire, en vue d’obtenir l’expulsion du locataire, et, si possible, le règlement des loyers arriérés.
La clause résolutoire
La quasi-totalité, si ce n’est la totalité, des baux commerciaux comporte une clause résolutoire.
En quelques mots, cette clause a pour effet que le bail soit automatiquement résilié si un ou plusieurs loyers demeurent impayés plus d’un mois après qu’un commandement de payer délivré par huissier de Justice, nouvellement appelés commissaires de Justice, ait été signifié au preneur.
L’urgence est évidente si deux mois de loyer restent dus (deux trimestres, elle le serait encore plus !), et, davantage encore, si le locataire ne s’est pas manifesté spontanément pour expliquer que ses difficultés sont passagères, et proposer un plan d’apurement de sa dette.
Il n’est pas question ici de se montrer inflexible, ou totalement imperméable, face à un locataire défaillant, mais de comprendre qu’en fait, si on laisse s’accumuler les échéances de loyer au vu de promesses de règlement plus ou moins convaincantes, le risque est grand que la dette locative soit, finalement, devenue si importante que, même le preneur de bonne foi, ne pourra jamais l’acquitter, malgré toute sa bonne volonté.
2°- Le risque d’une sauvegarde de justice
La sauvegarde de justice peut être demandée au Tribunal de commerce par toute entreprise qui subit des difficultés financières qu’elle ne parvient pas à solutionner.
Mais, il ne faut pas pour autant qu’elle soit en état de cessation des paiements.
Chacun l’aura compris, la différence entre les deux situations est infime…
Si le statut de la sauvegarde est accordé par le Tribunal, cela permet à l’entreprise de suspendre le règlement de ses dettes antérieures au jugement, jusqu’à l’adoption ou non d’un plan de sauvegarde.
Parmi celles-ci, les loyers.
Qu’en est-il des conséquences de la sauvegarde sur l’activation de la clause résolutoire stipulée au bail ?
Le bailleur n’est pas toujours gagnant dans la course contre la montre qui doit s’engager, eu égard à ce qui a été expliqué ci-dessus quant à la nécessité d’agir en urgence pour faire jouer la clause résolutoire.
La jurisprudence de la Cour de cassation à ce sujet est claire.
Ainsi, dans une affaire récente, un locataire avait reçu un commandement de payer visant la clause résolutoire.
Un mois plus tard, il n’avait pas honoré sa dette, et on pouvait donc considérer que son bail était résilié de plein droit, ou, en tout cas, que le Juge ne pouvait faire autrement que prononcer la résiliation du bail.
Cependant, le locataire faisait prononcer, dans le même temps, sa mise sous sauvegarde par le Tribunal de commerce.
La Cour de cassation a jugé qu’aucune procédure ne peut être engagée, ni même poursuivie, pour voir constater l’acquisition de la clause résolutoire dès lors qu’une mesure de sauvegarde a été décidée.
Les effets de la clause résolutoire sont ainsi paralysés par ce statut de la sauvegarde.
Et le bailleur aurait peut-être du être un peu plus rapide pour engager sa procédure ….
3°- Le risque d’une mise en redressement ou en liquidation judiciaire
Lorsque le redressement ou la liquidation judiciaire du preneur a été prononcé par le Tribunal de commerce, le bailleur ne peut plus assigner en constatation de l’acquisition de la clause résolutoire et en expulsion.
De même, si le bailleur a assigné avant le prononcé du jugement de redressement ou de liquidation judiciaire, mais qu’aucune décision n’a encore été rendue, ou qu’une décision a été rendue mais n’est toujours pas définitive (par exemple parce que subsisterait la voie de recours de l’appel), l’instance en résiliation du bail ne peut plus être menée à son terme.
Pour être complet, il importe de préciser que cette règle de la paralysie de la clause résolutoire ne joue que pour des loyers impayés et non pas pour d’autres infractions aux stipulations du bail, telles que des travaux interdits, un défaut d’entretien, une activité non-conforme à la destination du bail ….
4°- Le conseil de l’avocat spécialiste en droit commercial
Il m’apparaît souhaitable de faire signifier au locataire, par huissier de Justice, un commandement de payer visant la clause résolutoire dès lors qu’une seule échéance de loyer n’a pas été honorée.
Passé le délai d’un mois, et à défaut de règlement, il importe d’assigner en référé en urgence.
Cette mise en œuvre immédiate de la clause résolutoire ne signifie pas que le bailleur refuse de prendre en considération les difficultés de son locataire, car si celui-ci fait des propositions sérieuses, il peut les accepter. Mais dans un cadre garantissant ses droits de propriétaire.
En effet, l’avocat spécialiste en droit commercial fera acter par le Juge des référés l’accord trouvé entre le bailleur et son locataire, lequel reproduira cet accord dans le dispositif de son ordonnance.
L’avantage, c’est que figurera dans cette décision de justice une mention selon laquelle à défaut de respect du calendrier de règlements convenu judiciairement entre les parties, le bail sera automatiquement résilié. Sans même qu’il soit nécessaire de revenir devant le Juge.
Maître Gérard DOUKHAN,
Avocat à la Cour
Spécialiste en droit commercial
Spécialiste en ventes de fonds de commerce
01.42.65.50.64
Article mis en ligne en septembre 2022.
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