Acheter le fonds de commerce ou la société ?
I – LA CESSION DE FONDS DE COMMERCE : TRANSMISSION D’ACTIF
1°- Le régime juridique de la cession de fonds de commerce
Le fonds de commerce est constitué de l’actif d’une société, c’est-à-dire, de tout ce qui lui est utile pour fonctionner. Il peut être défini comme un ensemble de biens mobiliers ou immobiliers, corporels (le matériel, les marchandises…) ou incorporels (le bail, l’enseigne…), qu’un commerçant affecte à son activité professionnelle.
La vente du fonds de commerce est très encadrée, le cédant et l’acquéreur devant se soumettre à de nombreuses obligations.
À noter : Les salariés doivent être informés et peuvent désormais se substituer au candidat acquéreur.
2°- Les effets de la vente de fonds de commerce
A – La transmission de l’activité et non de la structure
La cession du fonds de commerce consiste à ne céder que ce qui constitue l’actif de la société.
Les contrats conclus par l’entreprise ne sont pas cédés, sauf certains qui sont de plein droit transférés, tels que les contrats de travail avec tous les avantages attachés (droit à congés payés, droit individuel à la formation, ancienneté, éventuels contentieux prud’homaux, etc.…), le bail commercial, les contrats d’assurance, les contrats de fourniture (ces derniers pouvant être refusés).
Le vendeur est tenu de procéder lui-même au remboursement des dettes dont il a conservé la responsabilité. En général, la trésorerie dégagée par la vente du stock et du fonds de commerce servira à rembourser les emprunts, à solder les comptes clients et fournisseurs, et à clôturer les comptes bancaires et sociaux.
B – La protection des créanciers par les obligations de publicité
La cession de fonds de commerce est suivie de formalités de publicité obligatoires. Elles ont pour objet de rendre opposable la cession à l’administration fiscale et aux créanciers du vendeur. Leur non-respect peut avoir pour conséquence d’obliger l’acheteur à acquitter une deuxième fois le prix du fonds.
À l’initiative de l’acquéreur, l’acte de cession doit d’abord être enregistré auprès du bureau de l’enregistrement du service des impôts de la situation du fonds, dans le délai d’un mois qui court à partir de la date de l’acte de cession, ou de la date d’entrée en possession du fonds, si celle-ci est antérieure à la date de l’acte.
Les droits doivent être acquittés lors de la présentation de l’acte à la formalité. L’usage veut qu’ils soient supportés par l’acquéreur du fonds de commerce, sauf clause contraire de l’acte.
C – Les conséquences sur le versement du prix
Un des inconvénients de la vente du fonds de commerce pour le vendeur est que le prix n’est pas versé à la signature de l’acte de vente. En effet, celui-ci est généralement placé sous séquestre le temps de purger les dettes fiscales et celles des créanciers.
Le prix de la cession est donc indisponible pendant un temps donné (au moins cinq mois). Cette période d’indisponibilité résulte du temps nécessaire à l’accomplissement des déclarations et publicités légales par le vendeur ou par son intermédiaire. Aucun transfert amiable ou judiciaire du prix ou d’une partie du prix ne sera opposable aux créanciers qui se font connaitre dans le délai de dix jours suivant la dernière des publications. L’opposition a pour effet de prolonger l’indisponibilité du prix de vente. Si le séquestre débloque les fonds avant l’expiration de ce délai, il engagerait sa responsabilité, et l’acquéreur pourrait, en cas d’opposition des créanciers du vendeur, être obligé de leur verser une deuxième fois le prix du fonds.
D’autre part, à partir du jour de la déclaration de la cession à l’administration fiscale, cette dernière bénéficie d’un délai de trois mois pendant lequel l’acquéreur peut être rendu responsable, solidairement avec le vendeur, du paiement de l’impôt sur le revenu afférent aux bénéfices réalisés pendant la dernière année, de l’impôt sur les sociétés pour le dernier exercice, et également de la taxe d’apprentissage.
Cependant, la solidarité de l’acheteur est limitée au prix de cession.
Dans la quasi-totalité des cas, les parties nomment un tiers en qualité de séquestre, lequel aura pour mission notamment de garder le prix de cession et de recevoir toutes oppositions et saisies de la part des créanciers et de l’administration fiscale.
Le séquestre peut être avocat, et mieux encore, l’Ordre des Avocats.
Il est d’usage que, si les frais et honoraires de rédaction de l’acte et ceux relatifs aux formalités sont à la charge de l’acquéreur (sauf convention contraire entre les parties), la rémunération du séquestre soit à la charge du vendeur.
II – LA CESSION DE PARTS SOCIALES OU D’ACTIONS
Lorsque le dirigeant décide de céder sa société, il ne cède pas seulement les éléments nécessaires à son exploitation, mais la structure dans son ensemble par la voie de la cession des titres (parts sociales ou actions). La personne morale (appellation juridique de la société) ne disparaît pas : son activité se poursuit pleinement et sans interruption, mais avec une autre personne à la direction.
Ne seront évoqués ici que les cas de cessions de titres de SARL et de SAS, qui sont les cas les plus fréquemment rencontrés en pratique.
1°- Le régime juridique de la cession de droits sociaux
A – Les conditions de fond
La cession de titres est, comme la cession de fonds de commerce, une vente au sens du droit commun, et doit répondre aux mêmes exigences de validité. Ainsi, il est nécessaire que les parties aient la capacité de contracter, que leur consentement soit réel et sérieux et exempt de vice.
Cela étant, le prix de vente des titres est une étape délicate. Le prix est librement fixé par les parties au regard de la valeur patrimoniale et de la rentabilité de l’entreprise. Plusieurs méthodes, relativement complexes, permettent d’approcher la véritable valeur de la société dans son ensemble, donc de chaque titre.
Ce prix ne doit pas être dérisoire, mais la cession peut être réalisée pour un prix symbolique lorsque la société connaît de graves difficultés financières ou que le passif est très important.
C’est le principal avantage du choix d’acquérir la société plutôt que le fonds seul ; c’est aussi un risque considérable car on ne s’improvise pas repreneur d’entreprises en difficulté.
Dans une SARL, la cession de parts sociales n’est pas libre. Le régime de la cession varie en fonction de la qualité de l’acquéreur, qui peut être un tiers, un conjoint, un descendant, un ascendant, un coassocié.
Les parts sociales ne peuvent être cédées à des tiers étrangers à la société qu’avec le consentement de la majorité des associés, et, toute clause contraire des statuts est réputée non écrite.
En principe, les cessions de parts entre conjoints, héritiers, ascendants ou descendants sont libres, mais les statuts peuvent prévoir une clause d’agrément, afin notamment de contrôler l’équilibre des pouvoirs entre les associés.
Dans la SAS, la loi autorise tout actionnaire à céder librement une petite ou une grande partie de ses actions. Il existe toutefois deux exceptions à cette règle : le cas où les statuts prévoient une clause d’agrément et de préemption au bénéfice des autres actionnaires et le cas où il y a un pacte signé avec tous les associés prévoyant de faire accepter le cessionnaire pressenti par les associés ou énonçant la possibilité de se substituer à ce cessionnaire avant la conclusion finale de la cession.
En présence de telles conditions, il importe de réaliser la cession dans le respect des règles statutaires afin d’éviter toute remise en cause de la validité de la cession.
B – Conditions de forme
Information des salariés. – Quelle que soit la forme de l’entreprise, afin de faciliter la reprise d’une entreprise ou d’un commerce par ses salariés, un droit d’information préalable des salariés a été crée par la loi du 31 Juillet 2014, relative à l’économie sociale et solidaire.
Dans les entreprises comptant jusqu’à 249 salariés, ceux-ci doivent être obligatoirement informés en cas de projet de cession du fonds de commerce ou de l’entreprise (plus de 50% des parts sociales d’une SARL ou d’actions ou valeurs mobilières donnant accès à la majorité du capital d’une société par actions), et ce au plus tard 2 mois avant la cession.
Les salariés, qui sont tenus à une obligation de discrétion, ont ainsi le temps de pouvoir proposer une offre de rachat du fonds de commerce, des parts sociales, actions ou valeurs mobilières, ou une offre de reprise de l’entreprise sous la forme juridique qu’ils souhaitent (société anonyme, SARL, société coopérative et participative, etc.…).
2°- Les effets de la cession de droits sociaux
Lors d’une cession de droits sociaux, il est opéré une substitution du vendeur par l’acquéreur dans la propriété des titres et donc des droits y attachés.
Dès lors, la société continue, en principe, à fonctionner comme avant la vente : seuls les propriétaires et éventuellement les dirigeants changent.
En conséquence, la relation avec les tiers n’est en principe pas modifiée par cette opération.
Tous les contrats en cours se poursuivent, à l’exception des contrats ayant un fort intuitu personae (conclus en fonction de la personnalité du dirigeant et non pas en fonction de la société elle-même) et dans lesquels figurent une clause de résiliation en cas de changement de contrôle au sein de la direction de l’une des parties.
La transmission de la structure dans son ensemble a pour effet de maintenir passif de la société à sa charge, et, par conséquent, de transférer ce passif à son nouveau propriétaire.
Or, en pratique, il n’est pas rare que des éléments inconnus à la date de la cession, ou volontairement occultés par le cédant, surgissent ensuite et affectent fortement la valeur des titres acquis ou le fonctionnement de la société.
De même, il peut y avoir des actifs censés être compris dans la cession, mais qui, en réalité, se révèlent être d’une valeur moindre ou même inexistants. C’est pourquoi, pour se prémunir de ce risque, l’acquéreur n’acceptera de s’engager que s’il obtient un engagement du cédant le garantissant de la réalité des actifs et des éventuelles dettes non encore connues au jour de la cession.
En ce qui concerne les dettes surprises, la plus redoutée par l’acquéreur est évidemment celle qui découlerait d’un contrôle fiscal.
Cette convention fait l’objet d’une négociation entre les parties et s’annexe généralement au protocole d’accord. Le cédant garantit l’acquéreur de la sincérité des comptes qu’il présente. Il garantit aussi que de nouveaux passifs ne devraient pas se révéler, auquel cas il devra les prendre en charge, s’ils ont leur origine antérieurement à la cession.
À cet effet, il est d’usage qu’une partie du prix de la cession soit retenu par l’acquéreur, pendant trois ou quatre années, avec une libération échelonnée dans le temps.
III – CONCLUSION
L’acquisition du fonds de commerce est plus simple mais nécessite un apport financier important.
L’acquisition des titres, parts sociales ou actions, s’avère souvent moins coûteuse mais beaucoup plus risquée, et ce quelle que soit la qualité de la garantie d’actif et de la garantie de passif qui seraient conclues concomitamment.
Vous l’aurez compris, pour les commerçants non rompus à la vie des affaires et à ses pièges, Maître Gérard DOUKHAN, Avocat à Paris, spécialiste en droit commercial, conseille le plus souvent l’acquisition du fonds de commerce.
Article mis en ligne en février 2017.
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