Il n’y a aucune limite de temps pour faire annuler certaines clauses d’un bail commercial.
La prescription est un principe fondamental du droit : au-delà d’un certain délai, on ne peut plus faire valoir ses droits en justice.
Et ce principe est commun à toutes les branches du droit : droit commercial, droit civil, droit pénal, etc…
Il est souvent mal accepté, mais se justifie pleinement.
L’un des fondements de la notion même de prescription est celui de la preuve. Imaginons une procédure engagée pour faire sanctionner une tromperie lors de la vente d’un fonds de commerce intervenue en 1980.
Comment réunir les preuves de cette tromperie, et comment être certain que celles produites n’ont pas été contrefaites ?
Et si les preuves produites par l’une des parties sont authentiques, parce-que celle-ci a pris le soin de les préserver, peut-on faire le reproche à l’autre partie de n’avoir pas conservé les siennes pendant 40 ans (par exemple) ? La difficulté est également importante en ce qui concerne l’exécution d’une décision de justice lorsqu’on laisse s’écouler un très long délai entre la commission des faits litigieux et le jour où on adresse le jugement à l’huissier de justice pour exécution.
Par exemple, comment faire respecter l’annulation d’une vente de fonds de commerce, et donc en restituer la propriété au propriétaire cédant, alors que ce fonds a changé plusieurs fois de mains ?
Et qu’en outre, l’exploitant actuel est, quant à lui, de bonne foi, n’ayant pas trempé dans une malversation commise il y a plusieurs dizaines d’années ?
Chacun l’aura compris, l’équation est impossible à résoudre, et le principe de la prescription a pour but d’éviter tout problème de ce type.
La prescription en matière de baux commerciaux soumis au statut tel que défini par les articles L-145-1 et suivants du Code de commerce, est généralement de deux années.
Cela signifie que tout droit né de ce statut, protecteur du commerçant, ne peut être mis en œuvre ou sanctionné en justice que dans la limite de deux années à partir du jour où il a été acquis.
Mais, il y a des exceptions à cette limite de temps.
Toutes proportions gardées, comme en matière de droit pénal par exemple où les crimes contre l’humanité sont imprescriptibles, le législateur a considéré que certaines infractions au droit des baux commerciaux pouvaient être soumises à l’examen de la justice sans aucune limite de temps.
Cela reflète un souci majeur de protection du commerçant, car chacun sait que, sauf cas exceptionnel, lors de la négociation et de la conclusion d’un bail commercial, le bailleur est dans une position dominante, et tente souvent d’imposer des clauses désavantageuses au preneur.
Les clauses dont l’action en annulation est imprescriptible sont notamment les suivantes : article L-145-15 du Code de commerce :
- celles afférentes à la durée du bail qui ne peut être inférieure à 9 ans, ou aux droits spécifiques du commerçant qui fait valoir ses droits à la retraite (article L-145-4),
- celles relatives à la révision du loyer, de l’état des lieux, des charges et impôts, et de la clause résolutoire (à propos de cette dernière, voir nos deux vidéos traitant de ce sujet important) (articles L-145-37 à L-145-41).
- celles relatives à la déspécialisation des activités autorisées par le bail (articles L-145-47 à L-145-54).
C’est ainsi qu’en application de ce principe de l’absence de limite de temps pour faire valoir ses droits, dans une décision récente du 19 novembre 2020 (n°19-20405-3ème chambre), la Cour de cassation a contredit le bailleur qui se croyait assuré du succès en soutenant que l’action engagée par son locataire l’avait été au-delà de la limite des deux années et était donc frappée de prescription.
La Cour de cassation a rappelé que certaines clauses sont pires que nulles : elles sont « réputées non écrites ».
Et la doctrine et le législateur sont d’accord avec la Juridiction suprême : la clause réputée non écrite est considérée comme n’ayant aucune existence.
De ce fait, aucune prescription ne court à son égard.
Il n’y a donc bien aucune limite de temps pour faire annuler une clause d’un bail commercial contrevenant au statut protecteur du locataire commercial, mis en place et amélioré au fil du temps par le législateur.
Maître Gérard DOUKHAN, Avocat spécialiste en droit commercial à Paris, avec mention spécifique « ventes de fonds de commerce », rédacteur de baux commerciaux et d’actes de vente expérimenté, vous conseille, vous assiste, et plaide pour gagner.
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Article mis en ligne en mai 2021.
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