Aux termes du Code civil, les vices du consentement lors de l’acquisition d’un fonds de commerce sont au nombre de trois : l’erreur, le dol et la violence. Ils ont deux conséquences juridiques : l’annulation, et, généralement, l’allocation de dommage-intérêts.
I- L’ERREUR
L’article 1132 du Code civil dispose : « L’erreur de droit ou de fait, à moins qu’elle ne soit inexcusable, est une cause de nullité du contrat lorsqu’elle porte sur les qualités essentielles de la prestation due ou sur celles du cocontractant ».
L’article 1133 ajoute que : « Les qualités essentielles de la prestation sont celles qui ont été expressément ou tacitement convenues et en considération desquelles les parties ont contracté.
L’erreur est une cause de nullité qu’elle porte sur la prestation de l’une ou de l’autre partie.
L’acceptation d’un aléa sur une qualité de la prestation exclut l’erreur relative à cette qualité. »
Quant au nouvel article 1136 du Code civil, il précise que : « L’erreur sur la valeur par laquelle, sans se tromper sur les qualités essentielles de la prestation, un contractant fait seulement de celle-ci une appréciation économique inexacte, n’est pas une cause de nullité. »
Dès lors, pour que la vente d’un fonds de commerce soit dite entachée d’erreur, laquelle pourrait être sanctionnée par la nullité de l’acte, celle-ci doit porter sur les qualités substantielles du fonds et être déterminante.
Ainsi, la Cour de cassation a validé l’annulation de ventes de fonds de commerce lorsqu’il a été démontré, par exemple, qu’il y a eu erreur sur la consistance ou la nature de la clientèle du fonds cédé, ou sur le type de commerce qui y est exploité, ou sur le droit à une indemnité d’éviction, voire même sur l’existence du bail lui-même. Cela étant, il ne faut pas se méprendre : faire une mauvaise affaire ne donne pas nécessairement droit à la nullité de l’acte.
De ce fait, la jurisprudence, qui a été confirmée par le nouvel article 1136 du Code civil, décide que l’erreur sur la valeur du fonds ne saurait constituer une cause de nullité de la vente (sauf évidemment si cette erreur a été provoquée par des manœuvres du vendeur).
II- LE DOL
Le dol c’est, en quelque sorte, l’erreur provoquée sciemment par celui qui veut absolument vendre son fonds de commerce, ou le vendre au meilleur prix, malgré des défauts substantiels. L’article 1137 du Code civil dispose : « Le dol est le fait pour un contractant d’obtenir le consentement de l’autre par des manœuvres ou des mensonges.
Constitue également un dol la dissimulation intentionnelle par l’un des contractants d’une information dont il sait le caractère déterminant pour l’autre partie. »
Ce nouvel article 1137 comporte en fait deux volets : le dol actif et le dol plus subtil par dissimulation d’une information déterminante. Le dol « actif » est plutôt rare : il peut consister en toutes sortes de tromperies : usage de la fausse qualité de propriétaire d’un fonds de commerce, présentation d’un faux bail commercial, ou, plus souvent, présentation d’un faux bilan.
En fait, on est là dans le domaine du dol sur le plan civil, mais dans le domaine de l’escroquerie sur le plan pénal.
La victime choisira sa voie d’action.
Le dol par dissimulation d’information déterminante est plus fréquent que la tromperie active. La jurisprudence qualifie cette manœuvre de « réticence dolosive ». C’est cette réticence dolosive, qui est consacrée par le nouvel article 1137 du Code civil sous les termes de « dissimulation intentionnelle… ».
Ce peut être, par exemple, la détention d’une information importante, telle que l’ouverture prochaine d’un centre commercial à proximité qui comporte nombre de commerces similaires à celui vendu, les nombreux arrêts de travail pour maladie grave du responsable de l’établissement, la décision du bailleur de ne pas renouveler le bail à son terme etc…
Cependant, l’existence de faits, conditions ou évènements pouvant affecter la valeur du fonds de commerce ne sera pas toujours portée par les juges au débit du vendeur ; en effet, l’acquéreur a un devoir de recherche de la consistance exacte de l’environnement du fonds.
A l’évidence, chaque cas méritera un examen attentif pour déterminer s’il y a eu négligence de la part de l’acquéreur, ou réticence dolosive de la part du vendeur, lequel aurait dissimulé une information capitale que l’acquéreur ne pouvait découvrir en faisant preuve de diligences normales dans sa quête d’informations sur le fonds.
III- LA VIOLENCE
L’article 1140 du Code civil dispose : « Il y a violence lorsqu’une partie s’engage sous la pression d’une contrainte qui lui inspire la crainte d’exposer sa personne, sa fortune ou celles de ses proches à un mal considérable. » Il importe de considérer que la violence peut aussi bien être le fait, ou être subie, par l’une ou l’autre des parties, à savoir l’acquéreur ou même le vendeur.
La menace peut être évidemment une menace physique, mais cela peut être également une menace morale, telle par exemple une menace d’atteinte à la réputation. Se pose alors la question de la menace par l’une ou l’autre des parties de l’exercice d’une action judiciaire pour impressionner son cocontractant.
Le nouvel article 1141 du Code civil vient solutionner cette problématique, en distinguant la menace légitime et la menace sanctionnable, dans les termes ci après : « La menace d’une voie de droit ne constitue pas une violence. Il en va autrement lorsque la voie de droit est détournée de son but ou lorsqu’elle est invoquée ou exercée pour obtenir un avantage manifestement excessif. »
Reste à déterminer quand un avantage est manifestement excessif….
Enfin, le nouvel article 1143 du Code civil vient valider une jurisprudence quasi constante en décidant que : « Il y a également violence lorsqu’une partie, abusant de l’état de dépendance dans lequel se trouve son cocontractant, obtient de lui un engagement qu’il n’aurait pas souscrit en l’absence d’une telle contrainte et en tire un avantage manifestement excessif ».
Il s’agit là de ce qu’on appelle la violence économique. Cela peut être, par exemple, la cession d’un fonds de commerce par un débiteur, à son créancier, à un prix inférieur au marché de 50%, parce-qu’il ne parvient plus à supporter les échéances de sa dette.
IV- LES CONSÉQUENCES
La nullité d’un acte de vente de fonds de commerce n’est pas simple à obtenir. Ses conséquences ne sont que rarement faciles à assumer.
En effet, l’article 1178 du Code civil dispose que : « …Le contrat annulé est censé n’avoir jamais existé.
Les prestations exécutées donnent lieu à restitution dans les conditions prévues aux articles 1352 à 1352-9.
Indépendamment de l’annulation du contrat, la partie lésée peut demander réparation du dommage subi dans les conditions du droit commun de la responsabilité extracontractuelle. »
Ainsi, pour un fonds de commerce, il faut rendre les clés, débarrasser les locaux de tout matériel, de toute marchandise, et, éventuellement, remettre les lieux dans leur état d’origine, c’est-à-dire avant aménagement par des travaux, et agencements.
Sans parler du personnel nouvellement embauché…
Chacun voit ici la difficulté.
D’autre part, quand bien même la « restitution » serait parfaite, il n’en demeure pas moins que l’acquéreur aura subi un préjudice.
Il a consacré beaucoup de temps à rechercher un fonds de commerce.
Il a, dans la plupart des cas, contracté un crédit et payé des intérêts, ainsi que des frais bancaires.
Il a payé des frais d’actes, des droits, et des honoraires.
Il a supporté des travaux, acheté des marchandises, etc…
Cela mérite donc une indemnisation, laquelle consiste en l’allocation de dommages-intérêts.
Cependant, chacun aura compris, d’une part, que les juges (en France en tout cas) ne sont pas très généreux en matière de dommage-intérêts, d’autre part, qu’une fois la condamnation obtenue, il faut la faire exécuter.
Or, le débiteur des dommage-intérêts n’est pas toujours solvable.
Il importe donc de prendre très rapidement conscience que la vente de fonds de commerce qui a été réalisée, est entachée d’erreur, de dol ou de violence, et d’engager l’action judiciaire adéquate dans les plus brefs délais, afin que le préjudice ne s’aggrave pas de jour en jour.
Maître Gérard DOUKHAN, Avocat en droit des affaires, spécialiste en droit commercial à Paris, avec mention spécifique « ventes de fonds de commerce » est à votre disposition pour vous conseiller, vous assister, et plaider dans votre intérêt, au 01 42 65 50 64.
Article mis en ligne en décembre 2017.
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